Mon propos ici, ce soir, tient en deux points. Tout d’abord, justifier la décision de ceux qui ont voulu attribuer le prix Smith-Wintemberg à Jim Pendergast, et deuxièmement, vous convaincre que Jim mérite totalement cet honneur. L’idée de nommer Jim est née en revenant de la réunion de l’Ontario Archaeological Society à Waterloo en octobre dernier. Jim était absent de cette réunion où plusieurs personnes ne tarissaient pas d’éloges à son sujet. Lors du voyage de retour de Waterloo à Ottawa en compagnie de Jean-Luc Pilon, qui avait accepté de m’emmener, l’idée de proposer Jim pour le prix Smith-Wintemberg arriva dans la conservation. Ayant décidé de proposer le nom de Jim, il me fallait trouver des gens qui acceptent d’écrire des lettres de soutien à cette candidature. Ce fut facile. Plus de personnes qu’il n’était nécessaire proposèrent d’écrire des lettres de soutien. Étape finale de la procédure, le bureau exécutif de l’ACA jugea sans hésitation que Jim serait un récipiendaire des plus appropriés.
Le prix Smith-Wintemberg, ainsi que vous pouvez le lire sur le site Internet de l’ACA, est décerné aux membres de la communauté archéologique canadienne qui ont apporté une contribution exceptionnelle à l’avancement de la discipline de l’archéologie, ou à notre connaissance du passé archéologique du Canada. Jusqu’ici, seulement sept autres personnes ont reçu ce prix. On pourrait en faire un jeu d’après-dîner, devinez si vous pouvez les nommer tous les sept et, plus difficile, dire en quelle année ils ont reçu leur prix. Jim se trouve en bonne compagnie : en 1978, Charles Borden et Norman Emerson ont été récipiendaires ; en 1984, Richard Forbis ; en 1992, James Wright et William Taylor ; en 1995, Roy Carlson ; et en 1998, Donald Mitchell. Comme ces archéologues avant lui, Jim Pendergast a beaucoup contribué à l’archéologie canadienne. Il mérite ce prix au regard des deux critères stipulés.
Il est certain que Jim a apporté une contribution exceptionnelle à l’avancement de la discipline. Ses rapports sont non seulement nombreux, mais encore ils sont des modèles de clarté. La plupart de ses données de base sont présentées sous forme de tableaux concis pour que d’autres chercheurs puissent les consulter. En outre, ils sont constamment des exemples d’analyses remarquablement consciencieuses. Lorsque Jim s’est lancé dans l’archéologie à temps partiel, il excellait en même temps dans sa carrière militaire. Il décida de concentrer ses efforts à l’endroit où il était né, dans le sud-est de l’Ontario. Jim est né à Cornwall en 1921. En 1946, alors qu’il était cantonné à Ottawa, il décida de faire des recherches sur les peuples iroquoïens que Jacques Cartier avait rencontrés dans la vallée du haut Saint-Laurent. C’est ainsi que Jim, sur son temps libre, avec très peu d’aide et de financement, commença à se former en archéologie, à faire des sondages pour découvrir des sites, et à fouiller certains de ceux qu’il avait découverts. Peu après il publiait ses résultats dans des rapports de fouilles qui rivalisaient, et rivalisent encore, avec ceux des archéologues professionnels. Ses études sur les poteries en particulier (mais elles ne sont pas seules) étaient exceptionnelles et c’est assurément grâce à elles qu’il a fait progresser la discipline.
En 1972, Jim Pendergast prit sa retraite de l’armée, où il s’était élevé jusqu’au grade de lieutenant-colonel après avoir pris part à la Seconde Guerre mondiale. La même année, il devint directeur-adjoint du Musée national de l’Homme. Outre l’organisation d’un vaste programme de sauvetage au musée, Jim apporta une autre contribution exceptionnelle à l’archéologie en lançant la Série Mercure, qui avait pour finalité la diffusion rapide et peu coûteuse des informations archéologiques en provenance de tous les sites du Canada. Cette série compte maintenant plus de 160 volumes, et elle est l’héritage que Jim nous a laissé de son passage au musée entre 1972 et 1978. Comme l’ACA, la Série Mercure nous a aidés à rester en contact les uns avec les autres à travers toutes les zones de recherches et les centres d’intérêts divers de l’archéologie canadienne.
Cet accomplissement m’amène à considérer en quoi Jim se qualifie au titre du second critère du prix Smith-Wintemberg, celui d’avoir contribué à notre connaissance du passé archéologique du Canada. Tout ce que je pourrais dire à ce sujet relève de l’euphémisme. Pour le dire simplement, Jim a découvert l’essentiel de ce que nous savons aujourd’hui au sujet des peuples que nous appelons les Iroquoïens du Saint-Laurent. Sans l’enthousiasme que Jim a apporté pour la découverte, la fouille et la recherche sur les sites de cette région, notre connaissance archéologique sur ces peuples de la vallée du haut Saint-Laurent serait bien moindre. Il a également encouragé les autres à faire des recherches sur ces peuples. L’un des premiers chercheurs de cette région étant Wintemberg, qui avait fouillé le site Roebuck et exposé ses recherches par écrit, il semble vraiment approprié que Jim reçoive ce prix en particulier. À partir de son travail sur ces peuples iroquoïens, Jim est devenu un expert de la période de contact dans l’est de l’Amérique du Nord et il a publié plusieurs articles sur la traite. Jim a étendu ses recherches aux États de l’est, et son érudition est reconnue par plusieurs organisations américaines également. Jim est toujours ponctuel à livrer ses recherches, que ce soit lors de communications à des conférences ou dans des publications, qu’elles soient avec évaluation par les pairs ou grand public. Sa productivité, son enthousiasme jamais démenti pour tous les aspects de l’archéologie, sa volonté de partager ses travaux au niveau des organisations, ses efforts pour intéresser le grand public à l’archéologie, et la façon dont il communique ouvertement avec des professionnels autant qu’avec des amateurs, tout cela fait de l’ombre à bien des archéologues professionnels. Grâce à son enthousiasme et à la générosité avec laquelle il partage ses données, parfois même avant qu’elles ne soient publiées, Jim a influencé de nombreux étudiants, politiciens et autres archéologues. Je compte moi-même parmi ceux qui ont eu la chance et le plaisir de travailler avec cet homme au grand cœur.
Et à propos de compter, dans le style de Jim, je vais vous donner ici les chiffres bruts de ses réussites en archéologie. Jim a reçu cinq autres prix en archéologie et un doctorat honoris causa en sciences de l’Université McGill. Il est l’auteur unique de 56 publications en archéologie et co-auteur de six de plus. Quatre de ses articles sont actuellement sous presse. Il a présenté au moins 27 communications à des sociétés savantes, y compris celle-ci. Il a été à la tête des campagnes de fouilles de deux villages d’Iroquoïens du Saint-Laurent et archéologue consultant pour un projet hydrologique et un projet gazier. Il a fait partie de nombreuses organisations professionnelles et communautaires, y prenant plus que sa part de travail, étant le fondateur de deux d’entre elles, et vice-président de deux autres, y compris l’ACA, et président d’une autre encore. Pas mal pour un type à la retraite !
Je vous demanderais maintenant de vous joindre à moi pour saluer Jim, malgré sa réserve, pour tout ce qu’il a fait pour l’archéologie. Souhaitons à celui qui mérite si amplement le prix Smith-Wintemberg et à son épouse Margaret encore de nombreuses années de bonheur.
Frances L. Stewart
St. Thomas University
Fredericton, Nouveau-Brunswick
Cliquez ici pour écouter les remerciements de Jim, prononcés lors de la cérémonie de remise du prix dans le grand hall du Musée canadien de la Civilisation, le 6 mai 2000.
Nous tenons à remercier Karen et Keith Murchinson qui ont pris les photos lors de la cérémonie du 6 mai 2000. Un grand merci !