Code d’éthique

Préambule

L’Association canadienne d’archéologie (ACA) est vouée à la valorisation, la protection et la conservation du patrimoine archéologique au Canada, ainsi qu’à l’avancement et la diffusion des connaissances archéologiques. L’ACA et ses membres reconnaissent les différents intérêts et les différentes voix et perspectives qui nourrissent l’interprétation archéologique, la construction du savoir et la diffusion de l’information. Dans ce document, nous respections et préconisons l’usage de la terminologie jugée appropriée par la communauté ou les communautés autochtones. Les traces archéologiques au Canada sont surtout celles des peuples autochtones. Dans ce document, le terme « peuples autochtones » désigne les Premières nations, les Métis et les Inuit tels qu’ils sont reconnus au §35 de la Constitution canadienne. Nous reconnaissons la profondeur et l’ampleur des vestiges archéologiques et la grande portée de leur signification pour les peuples autochtones et les populations qui en descendent. En conséquence, les membres de l’ACA mèneront leurs activités conformément à la déontologie et aux normes des pratiques de recherche, en s’engageant à veiller à la sécurité et la non-discrimination, et reconnaîtront les intérêts des personnes que leur travail pourrait affecter sur le plan social, spirituel ou matériel. Nous reconnaissons également que la législation sur le patrimoine au Canada demeure profondément coloniale. Bien que tous les archéologues devraient s’efforcer de se conformer à l’esprit des principes éthiques, l’ACA reconnaît qu’il existe des tensions entre le soutien à l’autodétermination des Autochtones et le respect de la législation et des cadres réglementaires relatifs au patrimoine. Nous encourageons tous nos membres à œuvrer à aligner la législation existante sur la Déclaration des Nations unies sur les Droits des Peuples autochtones (DNUPA).

Les membres de l’Association acceptent de se conformer aux principes suivants :

Responsabilités professionnelles

Les sites et les vestiges archéologiques sont en nombre limité, uniques et non renouvelables. Avant de prendre la responsabilité de procéder à toutes fouilles impactant un site ou des vestiges archéologiques, les membres de l’ACA doivent :

  • se tenir au courant des évolutions actuelles des méthodes archéologiques ;
  • avoir une formation, un soutien, des ressources et des moyens adéquats pour entreprendre des fouilles et des analyses ;
  • présenter les résultats de leur recherche archéologique dans un laps de temps raisonnable et les rendre faciles d’accès ;
  • conserver toute la documentation relative à leur recherche archéologique dans des archives publiques disposant des protocoles d’accès appropriés ;
  • se conformer aux protocoles locaux des peuples autochtones, au Canada ou à l’étranger ;
  • se conformer à la législation relative à l’archéologie et aux conventions internationales au sujet du patrimoine archéologique ;
  • respecter les collègues et collaborateurs/ collaboratrices avec qui ils et elles travaillent de façon collégiale, cette collégialité entretenant un environnement de travail positif et propice à l’atteinte des objectifs de recherche, au développement professionnel et aux partenariats ;
  • reconnaître que la documentation relative à toute recherche archéologique devrait, dans un laps de temps raisonnable, être mise à la disposition des autres personnes ayant des intérêts de recherche légitimes.

Droits autochtones et réconciliation au Canada

Reconnaissant qu’au moment où les colons européens sont arrivés, les Premières Nations et les Inuit avaient déjà établi leurs propres territoires, vieux de plusieurs milliers d’années, et que leurs activités constituent la majeure partie des vestiges archéologiques du Canada, et reconnaissant que l’archéologie, en tant que discipline, a par le passé exclu les peuples autochtones et qu’elle continue de le faire, l’ACA s’engage à œuvrer à la réconciliation.

Les membres de l’ACA doivent :

Intérêts autochtones

  • soutenir, par leurs actions et leurs recommandations, le droit des peuples autochtones à maintenir, contrôler, protéger et développer leur patrimoine culturel ;
  • s’engager auprès des peuples autochtones et leurs communautés, et faire tous les efforts raisonnables pour obtenir un consentement préalable libre et éclairé de la part des peuples autochtones concernés avant de mener des fouilles archéologiques sur des sites culturels et des vestiges matériels autochtones ;
  • respecter, comprendre et garder à l’esprit que les vestiges archéologiques sont un facteur essentiel de la reconnaissance légale et de l’exercice des droits et des titres autochtones ;
  • reconnaître que les peuples autochtones ont une relation intrinsèque et unique avec leur patrimoine archéologique ;
  • respecter les approches autochtones de la protection, de la conservation et de l’interprétation de ce patrimoine ;
  • faire tous les efforts nécessaires pour s’engager, coopérer, collaborer et/ou entrer en partenariat avec les peuples et les communautés autochtones concernées pour tout travail archéologique portant sur des sites archéologiques autochtones ou des sites ayant une composante autochtone, y compris les sites historiques ;
  • apprendre et respecter les protocoles culturels des peuples et des communautés autochtones lorsqu’il s’agit de mener des activités archéologiques en rapport avec la culture autochtone et/ou sur des terres autochtones ;
  • inciter tous les niveaux de gouvernement à s’engager auprès des peuples et des communautés autochtones pour amender les politiques et la législation afin que les droits des Autochtones de contrôler et de protéger leur patrimoine archéologique et matériel coïncident avec les principes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et avec les « Appels à l’action » de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada ;

Collaborations et renforcement des capacités

  • encourager les partenariats mutuellement bénéfiques avec les peuples, les communautés et les organisations autochtones pour entreprendre des recherches archéologiques alliant également gestion et éducation, partenariats basés sur le respect mutuel et le partage du savoir et de l’expertise ;
  • s’efforcer d’élaborer en commun des protocoles pour des projets ou des travaux archéologiques ;     
  • procurer à chaque fois que cela est possible, sur leur lieu de travail, des opportunités d’enseignement et de formation à tout le personnel archéologique, au sujet des droits, de l’histoire et des traités autochtones, ainsi que de l’héritage des pensionnats amérindiens ;
  • inviter les peuples autochtones à participer aux projets archéologiques et faire tous les efforts raisonnables pour embaucher et former des Autochtones, non seulement à mener des fouilles archéologiques, mais aussi à procéder à des analyses en laboratoire, interpréter les vestiges archéologiques et rédiger des rapports ;
  •  soutenir les programmes formels de formation en archéologie pour les peuples autochtones ;

Lieux culturels et savoirs traditionnels

  • respecter les normes, les principes, les protocoles et/ou les lois et les règlements autochtones, provinciaux, territoriaux et fédéraux qui régissent les fouilles, l’enlèvement, la conservation et le rapatriement des restes des ancêtres autochtones et des objets qui leur sont associés ;
  • reconnaître que le savoir traditionnel des peuples autochtones est un important moyen de comprendre le passé ;
  • reconnaître et respecter les relations uniques, y compris spirituelles, qui existent entre les peuples autochtones et certains lieux privilégiés ou particularités du paysage ;
  • reconnaître et aborder dans leur propre travail la signification culturelle, émotionnelle et spirituelle des ossements des ancêtres et objets et lieux associés pour de nombreux peuples autochtones ;
  • toujours traiter les sites et lieux sacrés, les objets et les ossements ancestraux autochtones avec prudence et respect, et éviter autant que possible le recours à des méthodes ou des techniques qui pourraient altérer ou endommager de tels sites, lieux objets ou ossements ;
  • reconnaître l’importance pour les es communautés autochtones et les populations qui en descendent du rapatriement des collections archéologiques, et les aider dans leurs demandes de rapatriement ;

Communication et interprétation

  • respecter la valeur de l’histoire orale et du savoir traditionnel en interprétant et en présentant le passé ;
  • communiquer les résultats des recherches archéologiques aux peuples et aux organismes autochtones dans un laps de temps raisonnable et de façon accessible ; et
  • considérer avec un égal respect les points de vue des peuples autochtones et les interprétations qu’ils font de leur passé et ceux des archéologues.

Administration et sauvegarde

Nous attendons des membres de l’ACA qu’ils et elles témoignent de leur respect pour les vestiges archéologiques et pour ceux et celles qui éprouvent un intérêt commun pour cette irremplaçable culture matérielle, maintenant et à l’avenir. Les vestiges archéologiques comprennent le matériel archéologique in situ et les sites, les données, les documents et les traces écrites des recherches, les collections d’artefacts et les rapports. « Sauvegarder l’archéologie » implique de prendre soin des vestiges archéologiques, d’en valoriser la conservation et de collaborer avec les peuples autochtones et les populations qui en descendent, ainsi qu’avec les membres de communautés non autochtones et autres parties prenantes chaque fois que possible, de prendre des décisions sur la façon de prendre soin de la culture matérielle et de l’interpréter. En tant qu’administrateurs, les archéologues ne possèdent pas les vestiges archéologiques qu’ils et elles mettent au jour et étudient, en particulier lorsqu’il s’agit d’ossements humains et d’objets associés. Les membres de l’ACA reconnaissent que :

  • l’accès à la connaissance du passé constitue une partie essentielle du patrimoine de tous les Canadiens, mais particulièrement de celles et ceux qui ont un lien historique ou culturel avec celui-ci ;
  • l’administration équitable du patrimoine archéologique est un aspect essentiel de la réparation envers les peuples et leurs descendants pour avoir été exclus de la compréhension et de la propriété du passé ;
  • les restes humains doivent être placés sous la bonne garde et la protection des peuples autochtones et des Canadiens et devraient être traités avec respect et dignité et être étudiés en collaboration avec la population des descendants ;
  • la conservation est de première importance et que lorsqu’elle n’est pas possible, les fouilles ne devraient pas être plus intrusives et destructrices que nécessaire en fonction des circonstances et des objectifs de recherche ;
  • les personnes détenant des permis, dirigeant des projets ou des fouilles doivent s’assurer de produire dans un laps de temps raisonnable la documentation relative à toutes leurs découvertes archéologiques et les résultats de toute fouille archéologique ; et
  • l’ACA s’oppose à la commercialisation des sites archéologiques et des artefacts, que ce soit par vente ou par échange, même en l’absence de réglementation à ce sujet.

Équité, diversité, inclusion et sécurité

Les membres de l’ACA reconnaissent qu’ils et elles sont responsables de veiller à ce que leurs lieux de travail soient exempts de toute discrimination et de tout harcèlement, et de promouvoir l’équité, la diversité et l’inclusion dans la pratique de l’archéologie. Les membres de l’ACA suivront la Politique et les procédures anti-harcèlement de l’ACA.

Les membres de l’ACA reconnaissent que :

  • les étudiants et les archéologues en début de carrière peuvent s’avérer particulièrement vulnérables à différentes formes de harcèlement, sur le terrain et dans d’autres contextes ; et  
  • que les individus peuvent être confrontés à des obstacles ou à des discriminations fondées sur la race, la nation ou l’origine ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre, le statut marital, le statut familial, le handicap ou le casier judiciaire, qui sont susceptibles d’affecter leur aptitude à participer à l’archéologie.

Les membres de l’ACA s’efforceront activement de :

  • s’assurer de la sûreté et de la sécurité de toutes les personnes participant aux activités archéologiques ;
  • faire tomber ou amoindrir les obstacles systémiques pour encourager davantage de diversité dans la participation à la discipline ; et
  • promouvoir l’archéologie en tant que profession auprès des groupes sous-représentés afin de diversifier la discipline.

Éducation et sensibilisation du public

L’un des engagements fondamentaux de l’administration de l’archéologie est de diffuser les connaissances au sujet des sujets archéologiques auprès du grand public et de solliciter le soutien du public pour cette administration. Les membres de l’ACA sont encouragés à :

  • communiquer les résultats du travail archéologique à un large public par le biais de divers médias ;
  • inciter le public à soutenir l’administration de l’archéologie et à y participer ;
  • s’engager auprès d’organismes et d’individus participant à l’archéologie en amateurs ;
  • coopérer activement avec les peuples autochtones à la sauvegarde de leur culture matérielle ;
  • sensibiliser le public à l’archéologie au Canada et au savoir archéologique ;
  • expliquer les méthodes et techniques archéologiques appropriées aux gens intéressés ;
  • promouvoir l’archéologie par le biais de l’éducation ;
  • être disponible pour soutenir l’archéologie locale et les groupes voués à la défense du patrimoine ;
  • promouvoir la réconciliation et la justice sociale et les intégrer à leurs communications.